• - Article de presse

     

     

    Article paru dans le journal La Croix le mercredi 9 décembre 2015 

      

     

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    Au lycée Corot de Douai, la laïcité est un enjeu d'éducation

     

     

    Pour le 110e anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l'État, les établissements scolaires sont invités à célébrer aujourd'hui la première « Journée de la laïcité ». Au lycée Corot de Douai (Nord), l'équipe pédagogique s'est saisie de cette occasion pour faire mieux prendre conscience aux élèves que ce régime, par-delà les restrictions qu'il impose à l'expression de la foi au sein de l'établissement, est source de liberté et de vivre-ensemble.

     

     

    09/12/15

      

    Douai (Nord)

     

    De notre envoyé spécial

     

     

    Comment introduire le thème de la laïcité, sans entrer immédiatement dans les grands débats et petites polémiques du moment? En faisant un détour par les États-Unis, pays que l'on pense profondément « religieux » mais qui n'en a pas moins développé son propre « modèle laïque ». « Le fait de prêter serment sur la Bible est une tradition récente », explique Christophe Crestani, professeur d'histoire-géographie au lycée Corot, tout en diffusant sur écran une photo du président Kennedy lors de son investiture.

     

    « La prestation de serment sur la Bible s'est imposée dans un contexte de guerre froide, pour bien se démarquer de l'URSS, qui se voulait un État athée », poursuit l'enseignant. « Néanmoins, le premier amendement de la Constitution américaine dit bien qu'on ne peut privilégier une religion à une autre. »

     

    Programmée en amont de la Journée de la laïcité, célébrée aujourd'hui à l'occasion du 110e anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l'État (lire « Repères »), cette conférence, suivie par des élèves et des membres du personnel, se poursuit sur le terrain de la pensée, avec une présentation limpide effectuée par la professeur de philosophie Nathalie Rubel. Où l'on découvre, depuis Montaigne et Locke, la longue marche qui a conduit à la loi de 1905 et à ce que l'on appelle aujourd'hui « la laïcité à la française ».

     

    Dans la salle, pas un bruit. Pas une main qui se lève, non plus, quand, à la fin de l'exposé, les élèves sont invités à faire part de leurs réactions. « La preuve, sans doute, que la laïcité est pour eux quelque chose de naturel, un acquis qu'ils ne remarquent même plus », commente Florence Blanchard, la proviseur. « En réalité, les jeunes n'en parlent que lorsque le sujet fait les titres des médias ou lorsque surviennent des tensions », note-t-elle.

     

    Des tensions qui, au demeurant, sont rares dans son établissement, qui scolarise pour moitié des jeunes issus de familles d'un milieu social défavorisé. « De loin en loin, on fait face à des revendications pour introduire des repas halal à la cantine. Ou bien on doit rappeler à l'ordre des jeunes filles qui essaient de porter le voile dans la cour de récréation », raconte calmement Florence Blanchard, qui a annexé au règlement intérieur de son lycée la charte de la laïcité rédigée par le ministère de l'éducation en 2013.

     

    Si le climat est globalement apaisé, certains élèves se posent néanmoins des questions, comme celles que Nathalie Rubel a collectées par écrit, en classe, et qui en disent long sur leur perception des principes laïques. « Pourquoi certaines personnes doivent-elles se soumettre à des règles pour la laïcité et d'autres pas? »,« Pourquoi des personnes critiquent-elles des religions? », « La laïcité prend-elle toutes les libertés? »… En guise de réponse, l'enseignante a conçu huit panneaux empruntant à la philosophie comme au droit et exposés, à partir d'aujourd'hui, dans le hall du lycée, aux côtés des travaux d'autres classes.

     

    L'une d'elles devait par exemple imaginer le lycée sans les principes de laïcité. Détournement du règlement intérieur et bandes dessinées… Au fil de l'exposition, la laïcité apparaît, parfois naïvement ou caricaturalement, comme un rempart contre le sexisme, l'homophobie, l'antisémitisme. « Sans elle, nous ne vivrions pas aussi mélangés », assure Nadine, une élève de seconde.

     

    Ce travail, sa classe l'a mené dans le cadre de l'enseignement moral et civique. « Cet enseignement entré en vigueur en septembre se veut en prise avec l'actualité et tourné vers le débat », approuve Thierry Duriez, professeur d'histoire-géographie, qui a bénéficié d'une formation pour pouvoir le dispenser dans de bonnes conditions. « Aucun sujet n'est tabou, pas même celui de l'extrémisme religieux, à condition que l'on soit capable d'organiser la discussion et de porter soi-même la voix de la laïcité », glisse-t-il. 

     

    « La laïcité est trop souvent perçue sous un angle liberticide, alors qu'elle est, précisément, ce qui permet à chacun de vivre sa foi, son incroyance ou ses doutes », observe pour sa part Nathalie Rubel. Tandis que cette notion s'invite régulièrement dans le débat politique, il est essentiel d'en faire un enjeu d'éducation. « Il ne faut jamais oublier que nous nous adressons à des jeunes en train de se construire. Certains réagissent parfois de manière radicale. Cela ne doit pas nous empêcher de leur montrer que la laïcité n'est pas une arme de combat mais un outil de rassemblement. » Même si, anticipe-t-elle, « il faudra peut-être combattre pour la défendre ».

     

      

    PEIRON Denis

     

     

    Page web :

    http://www.la-croix.com/Actualite/France/Au-lycee-Corot-de-Douai-la-laicite-est-un-enjeu-d-education-2015-12-09-1390604

     

     


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